« Flying Lane ». Conférence dans le cadre de « Le Chemin », étude inédite de réflexion urbaine sur le quartier La Défense
30 | 06 | 2021
FLYING LANE ou, le projet d’Anne Démians
FLYING LANE est le nom que l’architecte Anne DEMIANS a tenu à donner à sa proposition « parce qu’elle ne se comprend qu’en levant la tête et ne s’exprime qu’à travers des mobilités, vigoureusement chargées en sensations, toutes plus fluides, plus aériennes, plus hautes et plus vertigineuses que celles qui couvrent actuellement le territoire de la DEFENSE ».Toutefois, bien qu’aérien et semblant, à travers les nouvelles formes qu’il propose, défier les lois de l’apesanteur, l’ouvrage a été étudié pour être mis en œuvre à partir de techniques simples, récentes et éprouvées.
Figures développées à partir d’une grille théorique
L’idée de cette proposition est celle d’une grille théorique rectangulaire et orthogonale, glissée verticalement, de haut en bas, sur le plan de la DEFENSE, en plaçant tous ses segments entre les immeubles existants et en faisant en sorte qu’ils longent les tours, les effleurent, les percutent, ou les contournent. Elle se construit sur des figures carrées de 160 m environ de côté et pose, de chaque côté de l’esplanade et du parvis, 4 rangées de 8 figures carrées, toutes attachées entre elles par des points de croisements circulaires qui donnent au projet l’essentiel de son architecture.
La grande longueur de la figure rectangulaire globale s’installe dans le sens Est-Ouest du quartier de la DEFENSE. Les grilles prennent place de part et d’autre de l’axe historique et se calent en attitude suivant des altimétries que définissent le parvis, d’une part, et le haut des marches du grand escalier de L’ARCHE, d’autre part. La place qui est située au droit du CNIT, de L’ARCHE et des QUATRE TEMPS forment un des deux temps forts du projet. C’est de là, en effet, que tout part, comme depuis un ponton, mis en balcon sur le point le plus emblématique du site. Temps fort qu’il partage avec le Belvédère, placé en contre point vertical et visible sur la perspective vers Paris.
Le projet de connexions multiples
L’ensemble du projet orthogonal reste contenu à l’intérieur du boulevard circulaire, mais il a la capacité de s’étendre au droit des villes voisines, à la première occasion, en assouplissant évidemment son tracé. Avec cette proposition, c’est un projet de connexions multiples et étendues que l’architecte propose. Elle écrit, à ce propos-là, que « c’est en agissant sur l’ensemble de la Défense et en étendant l’essence du projet vers les agglomérations voisines (comme celles de Neuilly, Courbevoie, Nanterre ou Puteaux, par exemple), qu’on peut envisager de modifier la vision mécaniste et fonctionnaliste des années 60 de la dalle, pour lui donner les accents organiques et bienfaisants manquant aujourd’hui à ses valeurs urbaines et foncières »
Les passerelles et les connecteurs
FLYING LANE se présente, sur la totalité de son tracé, sous la forme d’une passerelle à deux étages, réalisée avec un béton de haute performance s’appuyant sur la technique de la précontrainte appliquée. L’étage du dessous est réservé aux cycles et aux mobilités douces de toutes natures, pendant que l’étage du dessus, est exclusivement destiné aux déplacements piétonniers et aux espaces plantés. On va d’une tour à l’autre à une altitude élevée, juste ce qu’il faut pour profiter d’un espace qu’on n’a jamais pu voir, de cette manière-là, jusqu’ici.
En agissant à partir d’un nouveau plan de référence qu’elle maintient horizontal et constant sur l’ensemble du site, l’architecte minimise les différences de niveaux qui résultent des décalages en altitude des dalles de l’Esplanade. Elle apporte ainsi une unité de déplacements qui est à la fois simple et synthétique et qui se connecte aux immeubles existants à la même altitude, mais sous différentes formes. Les tours, abandonnant, pour l’occasion, une partie de leurs espaces privés, contribuent ainsi à construire une œuvre cohérente et changeante.
Des plateformes circulaires sont aménagées au droit des intersections principales et importantes de la grille. La superficie est généreuse. Elle facilite la course des bicyclettes ou le trajet des piétons et s’appuie sur des structures aériennes suffisamment bien dimensionnées pour porter les connecteurs hélicoïdaux qui conduisent en souplesse (et en harmonie) les visiteurs vers la dalle ou le sol des passerelles. Celles-ci, construites sur deux étages superposés sont portées par des arceaux qui sont mis en tension depuis la dalle. Elles accompagnent les piles qui viennent, en complément, soutenir les grands franchissements rectilignes
Le Belvédère
Le Belvédère est un signal vertical et circulaire, installé à 150 m de haut, par rapport au niveau du sol de l’Esplanade. S’appuyant, au droit de sa partie la plus basse, sur une tour d’une centaine de mètres de haut et, dépassant le plan de sa toiture d’une cinquantaine de mètres environ, le Belvédère se distingue par ses plateformes circulaires et son grand escalier en hélice qui émergent sur la partie Est de la Défense, côté Sud de l’Esplanade et assez près de la Seine. Des circulations verticales conduisent les visiteurs au grand espace de restauration qui occupe la partie la plus haute de l’édifice, faisant face à L’ARCHE.
La hauteur du chemin
L’altimétrie de la FLYING LANE est calée à la côte 73 ngf. Ce niveau correspond au niveau le plus haut des marches du grand escalier de L’ARCHE. Il démarre, côté Ouest, avec un surplomb de 8 mètres de haut et s’approche des 35 mètres de haut, côté Seine.
L’eau et le végétal
La planéité de la FLYING LANE est dotée d’une légère pente qui, par simple gravité, (une approche engagée en rupture ne saurait consommer de l’électricité pour ça) permet la circulation de l’eau et son contrôle. L’eau est dirigée soit vers les arbres et les massifs végétaux ou floraux, soit vers la Seine. La gestion des eaux pluviales, ainsi développée, évite de charger les réseaux des communes concernées, en cas d’orage. Elle permet d’alimenter les réserves des terres racinaires des arbres. Les ouvrages qui portent les arbres sont implantés en engravés dans le niveau actuel de la dalle ou au-dessus, suivant les volumes disponibles et la capacité pour les structures existantes à supporter les charges imposées. Les surfaces urbaines moins favorables accueillent les espèces arbustives les moins exigeantes quant à l’épaisseur de terre nécessaire à leur développement.
Le végétal arborescent a également une place importante.
La perméabilité relative des rideaux d’arbres et de buissons, organisés en strates de différentes hauteurs, filtre, ralentit et tempère les effets du vent sur cette grande avenue piétonne, actuellement sans aucun obstacle. Le végétal a des résonnances en hauteur en occupant des derniers niveaux d’immeuble. Pour cela, une ingénierie inventive doit être capable d’installer des installations techniques de ventilation et de production de froid, tout en neutralisant tout ou partie d’un niveau intermédiaire, en libérant ainsi la totalité des surfaces de terrasses. A la clef : la possibilité d’imaginer d’autres usages, par exemple un restaurant dans une forêt apaisée, perchée au sommet d’un immeuble.
« Nous voulons créer un rapport kinésique avec les éléments, la vue des arbres, l’odeur du végétal, le bruit de l’eau, la perception de ce foisonnement végétal, pour interroger à nouveau notre cerveau primaire et remettre du sens à notre rapport aux éléments », conclut Anne DEMIANS.