POLYÈDRES
PARIS 2010-2014
Informations Techniques
Maître d'ouvrage : Vinci Immobilier
Architecte : Anne Démians mandataire
Directeur de projet : Martin Mercier
Chef de projet : Julien Syras
BET Economiste : Parica
BET Structure : VP & Green
BET Fluide Électricité : Alto Ingénierie
BET Façade : VP & Green
BET HQE : Alto Ingénierie
Acousticien : JP Lamoureux
SDP : 6 100 m²
Coût : 14 M€ € HT
LE MOUVEMENT, LE RYTHME ET LE REFLET DE L’ÉNERGIE
Je pense le mouvement qu’utilise le danseur comme le résultat d’un équilibre. En fait leur technique se ramène à deux actes : s’écarter d’une position d’équilibre et y retourner. Il s’agit d’un problème plus complexe que celui de se maintenir en équilibre qui relève de la structure musculaire du corps. Tomber et se ressaisir forment l’essence même du mouvement. A la suite de la chute du corps à terre, s’ajoute un retour à la position debout par un mouvement qui provoque l’espace. Chaque danseur est alors investi, dans le groupe, par une qualité qu’il ajoute au mouvement : le rythme. En effectuant une série de chutes et de rétablissements, une succession de rythmes apparaît. Ils révèlent des accents, voire des phrases alambiquées et élastiques qui parlent de la gravitation et qui modifient les corps. Le dynamisme et le dessin parfont le dispositif de la danse. Elle modifie son intensité au frôlement fragile du temps avec l’espace. C’est ce qui est le plus difficile à régler : le reflet de l’énergie.
LA LUMIÈRE ET LA SCULPTURE
La lumière, elle aussi, sculpte les danseurs. Elle dessine les espaces. Martha Graham fut, nous le savons, pionnière en matière de mouvement et de lumières. Et, avec elle, la scénographie de la danse contemporaine s’est principalement développée dans les jeux de lumière, souvent, même, dans des dispositions scéniques bien déterminées. Les plateaux sont libérés par les raies de lumière, libèrent des espaces éclairés entre les danseurs et les accessoires. Ce sont les danseurs qui s’inclinent, s’étirent, se penchent et se redressent. Ils esquivent les faisceaux, font varier les intensités sur le sol, les couleurs, grâce à la danse, sa mobilité, sa dynamique. La lumière, à la fois présente et immatérielle, répond parfaitement, à la danse moderne, forme la plus élaborée du dépassement de la forme et du volume par le mouvement. Or, dans la danse, c’est le sujet qui se déplace, en priorité. Pas la lumière. Le danseur brise la projection lumineuse ou tourne autour de sa couleur, suivant l’ordre du ballet.
L’ARCHITECTURE ET LES GLISSEMENTS
L’architecture est d’un ordre statique, par nature. La lumière ne l’est pas. Ici, la danse, prise comme mode de pensée et de philosophie, s’en trouve totalement inversée. Et la gravitation aussi. Mais la chorégraphie reste la même. Les danseurs sont au sol. Au nombre de trois. Ils se penchent et se creusent, sont rapides et puissants, esquivent de leur tête, la lumière. Combinant plusieurs enseignements, ils parviennent à une richesse de langage qui nourrit le ballet. Le poids et l’activité fonctionnelle des corps construits qui s’ordonnent dans des figures imposées, fabriquent des mouvements à facettes qui conduisent la lumière par « glissements » spontanés, prolongés jusqu’au sol. Le mouvement est un mouvement montant. Les faisceaux de lumière sculptent l’espace d’entre les danseurs. Eux, ne bougent pas. Ils campent une immobilité dynamique, comme l’exprimerait un « silence » de John Cage, pendant que la lumière tourne autour en gestes lents (la chorégraphie se joue sur 17 heures en été et sur 9 heures en hiver). Les mouvements dispersés de la lumière n’ont aucune relation entre eux, comme les passages de l’ombre sur les parois, car « chaque pas a son importance et doit être dansé de manière totale pour être clair vibrant et expressif » (Merce Cunningham). Les faisceaux de lumière sculptent, selon les heures du jour, les volumes statiques, pour mettre en mouvement successivement les récepteurs des rayons du soleil, les loggias, situés sur chacune des faces des polyèdres.
Anne Démians, le 23 mars 2010